Alors que google nous a supprimée il y a quelques mois la version allégée de gmail en html, qui fonctionnait très bien sous des machines anciennes et des connexions lentes, pour remplacer ça par une version à 28mo, je vais faire mon vieux ronchon et célébrer le web 1.0 et le html, pas seulement parce que quand j’ai commencé à surfer, c’était ça (et les gifs aussi, beaucoup de gifs).
Je vous parle d’un web que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre
À l’époque on ne parlait pas encore de Web 1.0, on parlait tout simplement du Web, on n’imaginait pas encore les évolutions qu’il connaîtrait. Le Web 1.0 est donc ce que l’on appelle un rétronyme.
D’un point de vue technique, le World Wide Web a commencé à exister en 1989, je ne l’ai pour ma part pratiqué qu’à partir de 1996 (même si les deux années précédentes je commençais déjà à m’y intéresser en lisant les articles qui me tombaient sous la main). Il ne fallut finalement qu’un CD-ROM vendu avec un magazine qui permettait d’installer l’interface nécessaire pour me connecter à mon premier fournisseur d’accès, un truc appelé Infonie qui a disparu depuis, et l’achat de quelque chose s’appelait un modem 33.6.
C’était le début de l’été 1996, je l’ai branché sur la partie téléphonique, j’ai lancé le logiciel qui a activé le modem, composé un numéro et celui-ci a commencé à faire ses petits bruits électroniques bizarres auxquelles j’allais m’habituer.
A cette époque en plus, les ordinateurs étaient de gros blocs grisâtres qui trônaient dans le salon, et le cri du modem vous empêchait de surfer discrètement sur internet au milieu de la nuit comme on le fait avec nos smartphones dans nos lits ou dans n’importe quel pièce aujourd’hui. Et si quelqu’un avait le malheur de décrocher le téléphone ça coupait la communication. Et… la connexion se payait à la minute donc ça m’a bien explosé mon budget étudiant avec les factures France telecom à l’époque.
Ce web pas encore numéroté qui a donc existé entrée 1989 et 2004 était principalement un web statique (par opposition au web dynamique c’est a dire qui se met à jour via des systèmes de gestion de contenus comme les blogs et autres). Il était aussi statique dans les interactions parce qu’il ne pouvait pas proposer de commentaires, la communication était plutôt unidirectionnelle, de celui qui créait le contenu a celui qui le lisait. C’est en tout cas l’idée que l’on s’en fait même si elle n’est pas tout va fait vraie.
L’invention du web et du html résumée
Je ne parle pas ici de l’invention d’internet (la superstructure) mais du web par Sir Tim Berners-Lee, un informaticien britannique, ingénieur logiciel au CERN. Constatant que les scientifiques avaient du mal à partager leurs connaissances stockées sur des ordinateurs différents, il décide d’exploiter une technologie émergente : l’hypertexte.
Le concept s’il est ancien est formalisé en 1965 par le sociologue américain Ted Nelson et désigne au début :
“un champ de recherche d’orientation littéraire fonctionnant sur un système fermé. En parallèle, les grandes industries commencent à définir un langage de balisage standardisé (GML / SGML) afin de gérer leurs documents sur un ordinateur central”
Cette idée inspirera Berners-Lee a rédiger un premier texte “Information Management a Proposal” (http://info.cern.ch/Proposal.html). Si l’idée n’est pas retenue, son patron d’alors lui permet de prendre du temps pour développer l’idée
Ce sera donc en octobre 1990 que Sir Tim Berners-Lee, publiera les 3 technologies que sont :
- Le HTML ou HyperText Markup Language. C’est le langage qui permet la mise en forme des informations dans une page web, il permet au navigateur d’afficher les contenus et de les hiérarchiser.
- URI : Uniform Resource Identifier. C’est l’adresse, unique, utilisée pour identifier chaque ressource sur le web aussi appelé URL.
- HTTP : Hypertext Transfer Protocol. C’est le protocole de communication client-serveur. Entre la machine qui demande les informations et celle qui les stocke et les envoie.
Ces trois technologies sont toujours celles du web actuel.
Il va même créer le premier éditeur/navigateur de pages web (“WorldWideWeb.app”) et le premier serveur web (“httpd“). Ce sont les fondements techniques du web qui sont posés mais il faudra attendre un peu pour qu’ils soient utilisés par tous.
Pour autant certains usages qui seront aussi ceux du web 2.0 existaient déjà et permettaient de l’interactivité, mise à disposition d’informations partagées entre différentes machines…
L’interactivité au temps du web 1.0 : les BBS (bulletins board systems), Newsgroups et les forums
Je l’ai dit le web a d’abord été principalement statique.
Mais depuis les années 70 existaient des supports pour échanger a distance,.. Pas encore d’internet, mais déjà des réseaux !
Un bulletin board system (de l’anglais signifiant littéralement « système de tableau d’affichage électronique »), couramment abrégé sous le sigle BBS, ou babillard électronique en français québécois, consiste en un serveur équipé d’un logiciel offrant les services d’échange de messages, de stockage et d’échange de fichiers, de jeux via un ou plusieurs modems reliés à des lignes téléphoniques. En anglais, « bulletin board » est l’expression désignant un panneau d’affichage public sur lequel tout le monde peut accrocher une affiche pour faire passer un message. Populaire entre la fin des années 1970 et la première moitié des années 1990, le maillage mondial des BBS a été supplanté par Internet. Dans les années 2000, le terme BBS peut désigner un forum Internet, notamment dans les pays asiatiques. Cependant, une « nouvelle génération » de BBS a vu le jour à la fin du règne des BBS téléphoniques. Telnet a donc permis aux utilisateurs des BBS de continuer leurs activités dans la nouvelle génération
Source Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bulletin_board_system
Alors certes cette interactivité était limitée mais elle était l’ancêtre de nos forums (en Asie certains d’entre eux sont encore appelés BBS), un forme de réseau social embryonnaire. Cette interactivité c’est la promesse et le changement opéré par le web 2.0 et ce qui a fait son succès.
Entre les BBS et les forums il y a eu un autre temps, un autre support… les newsgroups et Usenet.
Les newsgroups ou “groupes de discussions” utilisaient à l’origine uniquement le réseau et protocole de transmission Usenet et étaient principalement textuels (sauf s’il s’agissait de partages de fichiers, auquel cas dans leur “noms” on trouvait “binaries” pour préciser qu’on allait télécharger des médias ou des fichiers quand on allait consulter ces listes de discussions. Ils étaient thématiques, ce qui se reflétait dans leurs noms et on pouvait s’abonner, participer. . Pour y accéder il fallait utiliser un logiciel spécifique pour pouvoir participer voire des logiciels de messagerie. Ce réseau était décentralisé ce qui fait toujours l’un de ses intérêts.
Usenet est un ensemble de protocoles servant à générer, stocker et récupérer des « articles » (des messages qui sont proches, dans leur structure, des courriels), et permet l’échange de ces articles entre les membres d’une communauté qui peut être répartie sur une zone potentiellement très étendue. Usenet est organisé autour du principe de groupes de discussion ou groupes de nouvelles (en anglais newsgroups), qui rassemblent chacun des articles (contributions) sur un sujet précis. Les sujets des groupes de discussion sont organisés selon une hiérarchie. Une fois connectés à un serveur informatique fournissant un service Usenet, les utilisateurs peuvent choisir les groupes mis à disposition par ce serveur auxquels ils désirent « s’abonner ». Pour chaque groupe auquel il est abonné, l’utilisateur peut alors voir tous les nouveaux articles mis à disposition sur ce groupe et tous les articles reçus par le serveur depuis un certain temps. Les anciens articles sont automatiquement effacés du serveur ; selon les serveurs, ce délai peut varier entre un mois et quelques jours. Toutefois, il existe des serveurs d’archivage, tels que Google Groups ou Gmane, qui permettent de consulter les anciens articles de certains groupes de discussion, présentés de la même façon que des archives de liste de discussion.
Source Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Usenet
J’ai un temps eu peur que cette ressource disparaisse, surtout quand cette année Google a annoncé déconnecter Usenet. En effet, on pouvait accéder à Usenet via Google Groups et sachant que l’entreprise possède la base de données d’archives la plus vaste du monde de newsgroups (certains messages remontent à 1980 alors que le réseau a été inventé en 1979) ce n’était pas une infos rassurante. Ce travail d’archivage avait été commencé par une autre société, Deja.com qui avait commencé à archiver dès 1995, cette société avait été racheté par le moteur de recherche… Or depuis le 22 février 2024, il n’est plus possible de publier de nouveaux messages sur Usenet via Google Groups.
L’historien se rassure, l’archive existante continue d’exister et peut être consultée. Il est encore possible de passer par des fournisseurs payants pour y interagir.
Ces supports étaient sympathiques… mais pas toujours pratiques car il fallait télécharger les discussions et envoyer ses réponses. C’est pourquoi ils ont été dépassés, remplacés, par les forums web.
Les forums de discussion existent toujours aujourd’hui, même si les réseaux sociaux ont drainé les publics qui y participaient. Ces ancêtres des réseaux sociaux étaient généralement thématiques et certains d’entre eux comptaient des dizaines de milliers d’utilisateurs. Ces “sites communautaires” nécessitent un hébergement et l’installation d’un système spécifique et une base de données. Surtout ces forums reposent aussi sur des rôles : admin, modérateur, qui garantissent à la fois une certain contrôle technique et des comportements parce qu’un utilisateur qui s’est inscrit doit respecter un certain nombre de règles.
Sauf peut être sur les pires d’entres eux… 4Chan et 8chan
Parce qu’un forum comme tout support social en ligne existait par ses utilisateurs et le fait de ne pas perdre ceux-ci.
Il y avait des forums thématiques liés à vote centres d’intérêts, forums publics sur lesquels tout le monde pouvait s’inscrire mais aussi des forums privés dans lesquels il fallait être coopté. Ces lieux ont été des lieux de rencontres pour moi, photographie, cinéma, musique mais aussi de découvertes. En effet certaines cultures numériques ont débuté sur ces espaces, j’y aie découvert par exemple le sous titrage de films pas encore traduits (et j’y aie passé de longues heures à essayer de bien retranscrire le sens des dialogues), j’y aie découvert les films de Ghibli et beaucoup d’animation japonaise avant que cela ne devienne plus connu. C’était aussi ça qui était excitant, le sentiment de pouvoir découvrir des choses « avant les autres », cet attrait né de la curiosité, un feeling pas totalement différent de découvrir un groupe avant qu’il ne devienne célèbre
Aujourd’hui les forums existent toujours et sont encore une composante essentielle d’internet
C’était si bien que ça ?
Osons le dire, le Web 1.0 ça n’était pas la panacée il fallait attendre plusieurs minutes pour voir des images se charger, souvent plusieurs secondes prouvant une page entière, le son était en midi, des images en gif… et pourtant la magie opérait. OK on bloquait les lignes téléphoniques, dès que quelqu’un décrochait on perdait la connexion, les factures France Telecom étaient douloureuses, mais d’entendre le petit cri du modem qui se connectait, ça vous collait un petit frisson car vous alliez accéder à un autre univers, communiquer avec des gens que vous ne rencontrerez jamais, et tout ça c’était nouveau. On était limités par la technologie pour la vitesse de transmission des données, mais ça faisait partie du jeu.
J’y ai passé des nuits, je suis allé littéralement dans des endroits improbables, parce qu’il était déjà possible à l’époque de pouvoir repérer avec une ip une localisation géographique, et qu’un jour je me suis retrouvé sur le serveur d’un kolkhoze quelque part en Sibérie. Autant dire que cela avait un parfum d’aventure de se connecter à Internet.
Je ne vais pas me plaindre des connexions fibre de nous disposons aujourd’hui, même si à l’époque nous étions déjà quelques-uns à fantasmer sur les lignes T1 ou T3 promettaient des débits bien supérieurs aux notres, je ne vais pas me plaindre de la 4G de la 5G, d’une connexion possible partout ou presque pour des tarifs qui ne me vident pas le compte à la fin du mois. Est-ce parce qu’il est moins rustique, parce qu’il est devenu confortable, disponible, accessible que le Web a changé. Pas vraiment. À l’époque on ne pouvait compter pour voir des vidéos que sur Real Player, une solution pixelisée, loin des formats 1080 P d’aujourd’hui.
Les équipements dictaient les usages, certes mais le sentiment de liberté était plus fort car cet espace était aussi perçu comme moins régulé, moins contrôlé et aussi moins sujet aux dérives car nous étions moins exposés aux discours haineux, aux manipulations, etc…
Il fallait chercher son contenu, naviguer de site en site. On ne s’enfermait pas dans le défilement infini des fils d’actualité. C’était peut être tout autant chronophage mais nos choix de navigation étaient moins le fait des recommandations algorithmiques.
Ce n’est pas pour rien que dans ces années là que John Perry Barlow rédigea la Déclaration d’indépendance du cyberespace, le 8 février 1996 à Davos en Suisse. Ecrivain, militant et cofondateur de l’Electronic Frontier Foundation, celui-ci soutient l’idée qu’aucun gouvernement (ou qu’aucune autre forme de pouvoir) ne peut s’imposer et s’approprier Internet :
Gouvernements du monde industriel, géants fatigués de chair et d’acier, je viens du cyberespace, nouvelle demeure de l’esprit. Au nom de l’avenir, je vous demande, à vous qui êtes du passé, de nous laisser tranquilles. Vous n’êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n’avez aucun droit de souveraineté sur nos lieux de rencontre.
Nous n’avons pas de gouvernement élu et nous ne sommes pas près d’en avoir un, aussi je m’adresse à vous avec la seule autorité que donne la liberté elle-même lorsqu’elle s’exprime. Je déclare que l’espace social global que nous construisons est indépendant, par nature, de la tyrannie que vous cherchez à nous imposer. Vous n’avez pas le droit moral de nous donner des ordres et vous ne disposez d’aucun moyen de contrainte que nous ayons de vraies raisons de craindre.
Source Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Déclaration_d’indépendance_du_cyberespace
On pensait alors que cet espace appartenait encore à ceux qui le faisaient, en tout cas c’était notre ressenti. Moins de pubs de partout, pas de liens sponsorisés, pas de trackers…
Vous allez me dire c’est bien beau ton web 1.0 mais c’est quoi l’intérêt ?
Alors pourquoi diantre suis-je encore en train de parler du Web 1.0 avec nostalgie ?
Parce que ce Web ne nécessitait pas de machines puissantes, ne nécessitait pas de grandes quantités de bande passante, parce qu’il était léger, ne prenait pas de place, et qu’aujourd’hui encore des connexions rapides des ordinateurs puissants des machines avec beaucoup de mémoire ça n’est pas pour tout le monde. Et cerise sur le gâteau, cela consommait nécessairement beaucoup moins d’énergie.
Il suffisait d’un éditeur de texte simple, d’un navigateur Web pour vérifier la syntaxe de la page web qu’on écrivait et d’un hébergement parfois offert par le fournisseur d’accès, parfois chez un hébergeur gratuit du type géo Cities ou tripod pour les plus anciens et ça y est on avait son site Internet. On pouvait être lu, et aujourd’hui encore votre site créé il y a 30 ans pourrait encore exister, pourrait encore témoigner de vos divagations de l’époque. Voir être stocké dans un coin d’un disque dur ou d’une clé Usb.
Le plus grand étonnant parfois quand j’ y pense que les pratiques d’aujourd’hui étaient déjà présentes. On avait déjà des messageries qui portaient le nom de fournisseurs d’accès (aol), ou qui s’appelleraient icq, (a compléter)… on avait déjà des pratiques de téléchargements illégales via des ftp sur lesquels étaient fixés des quotas, on avait déjà des mêmes plutôt sous la forme de gif animés. Nos moteurs de recherche s’appelaient Yahoo ou AltaVista, nos navigateurs internet explorer ou Netscape… plus bizarre encore on pouvait “aspirer des sites” avec des logiciels dédiés car les contenus étaient dans les pages HTML et pas dans des bases de données. Un archivage aujourd’hui impossible.
Dans le même esprit je regrette la mise au rebut récente de la 1G et la 2G. Quelle importance allez-vous me dire ?
Eh bien si nous ne les utilisions plus sur le téléphone portable, de nombreux équipements de ce que l’on nomme généralement l’internet des objets (celui des objets connectés) fonctionnait encore sur ces réseaux. Ce qui veut dire une chose assez simple, tous ces équipements ne sont plus aujourd’hui utilisables quand bien même ils fonctionneraient encore.
Tuer ces réseaux était il nécessaire ? Ils pouvaient exister en parallèle du reste, même si on objectera qu’ils n’étaient pas correctement sécurisés… il y a encore des formats légers qui existent, mais nous nous sommes habitués à l’hyper accélération que nous propose et nous permet le numérique avec des connexions rapides partout (ou presque) et tout le temps (si tout va bien).
Et aujourd’hui c’est quoi pour le médiateur l’intérêt de ce web là ?
Le HTML est simple à apprendre, et simple à écrire ce qui en fait aujourd’hui encore un support d’expression que j’aurais envie d’apprendre aux jeunes, aux adultes, aux seniors, à tous ceux qui n’ont pas le temps, qui n’ont pas la machine puissante, qui n’ont pas envie de se plonger dans les arcanes de l’installation d’un WordPress.
Le HTML ne nécessitera pas beaucoup d’espace, il sera plus respectueux de vos données personnelles que n’importe quel réseau social, il pourra être lu par tous partout et se chargera plus vite que tous nos sites actuels y compris le mien sur lequel vous êtes en train de lire cette défense et illustration du langage html.
A cette idée on me répondra probablement que les réseaux sociaux permettent cette même expression, sans avoir à apprendre des balises, et je répondrai que ceux ci ne sont pas accessibles à tous, peuvent être censurés, qu’ils récupèrent vos informations et vous affichent leur publicité et vous suivent mieux que n’importe quel limier. Ce choix low tech signifie encore une fois un meilleur contrôle côté utilisateur.
Je ne nie pas le côté nostalgique de ce que je raconte, je ne nie pas que déjà à l’époque on pouvait trouver n’importe quoi en ligne. J’en ai fait l’expérience peu de temps après avoir découvert internet en me disant que j’allais essayer de voir ce qu’il pouvait exister de plus sombre. Et ça a faillit me faire arrêter pour de bon d’aller sur internet. J’ai même arrêté quelques semaines…
C’est peut être aussi parce que nous percevions cet espace comme un espace de liberté, de découverte, plein de possibilités et la nouveauté. La nouveauté est un peu passée et aujourd’hui notre vision de la technologie et du numérique est bien plus critique et les problématiques ont pris le pas sur le fun. Étais je naïf par rapport à aujourd’hui ? Oui probablement mais le développement des infrastructures et la marchandisation du Web que nous avons vu venir ont gâchée la fête. Le poids et l’impact du numérique ont explosé et avec eux la vision positive et optimiste… Une certaine forme de gueule de bois après la fête. Du coup j’ai une vision plus critique et distanciée, Elle n’est pas l’apanage de l’âge, mais je suis un peu moins sensible à l’effet wahou d’une techno, et je mesure différemment l’ultra connexion et le confort d’aujourd’hui.
L’historien et le médiateur en moi aiment cette idée de se souvenir de ces pratiques numériques, de les raconter, de se souvenir de l’idée que nous nous faisions de ce que internet était et deviendrait. Le médiateur trouve dans ces souvenirs et cette histoire sujets a réflexion et perspectives, peut être un recul sur l’usage du numérique ou sur nos juges d’adultes par rapport aux usages des jeunes. Le recul que me permet cet usage de 25 ans me permet aussi d’avoir cette vision peut être un peu différente de mes collègues plus jeunes. Le médiateur et l’historien recherchent dans ce temps long les continuités là où d’autres ne percevront que la nouveauté. Les médiateurs numériques qui sont depuis longtemps dans le métier le savent bien en voyant les conseillers numériques fraîchement débarqués se de dire que la dématérialisation c’est leur découverte… Enfin un peu, je le sais, j’ai parfois dû le ressentir un peu…
En conclusion
Je suis pourtant heureux d’avoir connue cette époque. Parce qu’elle m’a apporté à la fois des rencontres et des amitiés, qu’elle m’a ouvert au monde et à une multitude de sujets, parce qu’elle était excitante et vertigineuse. Je pense qu’elle n’est pas si différente cette excitation pour un jeune qui découvre les outils numériques. Mais celui ci risque d’être beaucoup enfermé par les supports et usages d’aujourd’hui d’autant qu’il n’a plus à limiter son temps car la connexion est permanente pour le même prix.
Ce n’est pas de la nostalgie ou des regrets c’est une période différente dont il faut raconter l’histoire, je ne suis pas là pour dénigrer le web et le numérique d’aujourd’hui parce que par certains aspects il est ce dont Nous rêvions à l’époque : plus rapide, plus riche, plus est esthétique, moins cher et avec beaucoup plus de données et de médias images, vidéos, sons de meilleure qualité. On a rêvé du streaming, on a rêvé d’avoir une connexion permanent et partout.
Ne nous y trompons pas, j’aime ma connexion permanente, rapide et à un prix fixe, j’aime mes outils et la richesse de ce que je peux trouver, je fais toujours des rencontres passionnantes. Mais comme l’on écrit certains, il y a eu l’”enshittification” des choses (même si je ne partage pas trop le contenu de l’article, et le fait que celui ci parle du web 2.0) ;
Ce sentiment de déliquescence part d’un constat simple : plus le temps passe, plus le web social, né autour de l’an de grâce 2005, devient merdique. J’écris « merdique » à dessein : l’emmerdification (enshittification) du Web est un concept, formulé en version beta fin 2022 par l’infatigable technocritique Cory Doctorow, qui n’a depuis cessé de le polir. Dans sa version la plus concise, datée de janvier 2023, le principe d’emmerdification postule que « premièrement, [les plateformes] séduisent leurs utilisateurs ; ensuite, elles les exploitent au profit de leurs clients ; pour finir, elles exploitent leurs clients pour récupérer toute la valeur produite. Enfin, elles meurent. » La puissance de l’analyse de Doctorow réside dans l’idée que la détérioration des services offerts par le capitalisme de plateforme n’est pas circonstancielle mais structurelle, inhérente au modèle lui-même, qui n’a jamais été conçu pour durer mais pour capter un maximum de valeur en un minimum de temps quitte à tout détruire sur son
passage – « Move fast and break things ».
Source : https://www.arretsurimages.net/chroniques/clic-gauche/aux-apatrides-du-web-merdique
Une forme d’entropie inévitable ?
Bref, j’aime encore le html et j’aime encore ce que m’a fait découvrir le web, j’aime encore la possibilité de faire du html et de pouvoir me passer de certains outils, Le web d’aujourd’hui ne sera pas celui de demain, sera t il mieux? Je n’en suis pas sûr vue la trajectoire depuis 25 ans, mais je continuerais à me passionner pour ce qu’il permet et à essayer de le rendre un peu plus intéressant et accessible… une médiation, un article ou un projet à la fois.
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