Créer un jeu pour un médiateur numérique part généralement d’un besoin, celui de transmettre de l’information de façon ludique et d’utiliser pour cela un outil pédagogique. En effet il est plus simple, plus engageant, plus motivant d’utiliser le jeu que le mode descendant de la conférence. En plus de quoi cela fait appel à la créativité du médiateur ce qui n’est pas le moindre de ses atouts. Vous l’aurez compris j’aime bien créer des jeux, à la fois parce que c’est un levier de participation mais aussi parce que cela facilite à la fois l’échange et l’enregistrement des informations.
Le tout est de trouver le bon mécanisme pour le sujet. Tout a commencé pour moi avec le besoin de créer un support type brise glace pour parler de “numérique responsable”, un oxymore comme l’exprime très bien Louis Derrac :
Il faut le dire clairement et simplement. Le numérique ne peut pas être responsable, c’est une injonction contradictoire évidente quand on connaît le cycle de vie entier des équipements et des infrastructures numériques. Peut-être pourra-t-on rendre responsable une partie de la chaîne, mais jamais l’entièreté. C’est exactement pour la même raison qu’il n’y aura jamais d’énergie propre. N’importe quelle énergie renouvelable nécessite des minerais, et certaines des terres rares, dont le simple minage et raffinage ont un impact humain et environnemental énorme, sans parler du transport, de l’assemblage, etc.
Source Louis Derrac : https://louisderrac.com/numerique-responsable-critique-dun-oxymore/
L’idée est venue d’un atelier que j’animais sur la question, les participants étaient intéressés, mais cela manquait un peu de répondant, on était un petit peu freiné par la timidité, poser des questions en public ce n’est pas toujours facile.
Et du coup l’idée du jeu pour ouvrir la discussion était logique.
Passer par l’intermédiaire d’un jeu.
Comment j’ai construit le jeu
Il a fallu ensuite réfléchir au format. Il existe des centaines de jeux avec des mécaniques différentes, elles ne sont pas toutes adaptées aux besoins et au temps disponible. Les jeux ne permettent pas tous les mêmes réactions. Bref il fallait trouver le bon. En ce qui me concerne j’ai commencé à me renseigner sur les différents types de jeux rapide et j’ai découvert un jeu appelé timeline.
Le principe était intéressant mais ne correspondait pas tout à fait à mon besoin. Je ne cherchais pas à faire comprendre une chronologie d’événements mais à faire prendre conscience d’impacts, ceux du numérique en terme de coûts environnementaux. De là vient l’idée d’une autre ligne, non pas celle du temps mais une ligne de coût.
Certains usages ou certains matériels ont un coût plus important que d’autres. Et ce ne sont pas toujours les usages que nous imaginons qui consomment le plus d’énergie ou qui ont le plus grand impact. En tant que médiateur numérique nous avons souvent l’habitude de mettre en avant des impacts dont nous avons connaissance et sur lesquels nous pouvons faire des recommandations, l’idée était d’aller un peu plus loin que ses habitudes.
L’une des difficultés rencontrées était d’avoir à la fois des informations sur ces et scientifiques, mais aussi un référentiel commun pour mesurer les impacts. Trouver de l’information ce n’est pas le plus compliqué, avoir un référentiel commun, cela a vite commencé à être un travail beaucoup plus compliqué car tout n’était pas mesuré de la même façon, car il est difficile de comparer l’impact de l’extraction minière à celle de la consommation énergétique, à celle de la pollution des composants électronique
J’ai découvert le site impact CO2 de l’ADEME qui m’a permis d’avoir ces deux informations deux points le référentiel commun et des informations scientifiques et sourcées. À partir de là, il était plus simple de créer une vingtaine de cartes que j’allais organiser selon l’idée du début.
20 usages, matériel, et 40 faces à créer.
Sur la première face, on trouve l’usage ou le matériel
Quelques exemples :
Sur l’autre face plusieurs informations :
Tout d’abord le numéro, puisqu’il s’agit fondamentalement de les remettre dans l’ordre ensuite le poids en CO2 qui vient justifier l’ordre. Enfin des explications, et des recommandations simples.
Le principe du jeu est assez simple vous sont présentés 20 cartes avec la face usage ou matériel, et à vous de les mettre dans l’ordre dans lequel vous pensez qu’elles doivent se trouver, de l’usage ou du matériel qui consomme le moins à celui qui consomme le plus.
L’idée est à la fois de montrer l’impact des différents usages. Mais aussi d’identifier nos biais lorsque nous choisissons de croire qu’un usage ou un matériel est moins impactant qu’un autre. Le but au-delà est bien évidemment d’ouvrir la discussion sur ces questions.
Si on veut compléter ce jeu pour une action sur un temps un peu plus long, je vous recommande aussi un autre site de l’ADEME qui permet de calculer son bilan carbone. Si le jeu est prévu pour déclencher l’envie d’en savoir plus, ce 2e site est là pour permettre d’approfondir le questionnement, tout en restant didactique :
Du jeu au format, les forks
Comme souvent avec les autres que je crée, celui-ci est un format. Et celui ci peut permettre de créer des forks… Mais bon le terme de fork ne vous parle peut être pas beaucoup… C’est l’occasion d’un peu de culture numérique.
Un fork (terme anglais signifiant « fourche », « fourchette », « bifurcation », « embranchement »), ou une reprise logicielle, est, dans le jargon informatique, un nouveau logiciel créé à partir du code source d’un logiciel existant. Son existence découle d’un choix politique venant de visions différentes du projet des différents acteurs qui y participent, un acteur décidant alors de créer cette dérivation pour lui imposer les idées qu’il n’a pas pu soumettre au précédent projet, une forme de schisme.
Source Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fork_(développement_logiciel)
Si l’idée m’est venue pour parler d’impact du numérique sur l’environnement, j’ai créé deux forks pour mes collègues du centre social afin qu’elles puissent animer des temps d’échange sur l’alimentation et les transports. Le principe et la source des informations sont les mêmes. Le choix de l’alimentation et des transports est à la fois consécutifs à la disponibilité de ces informations sur le site de l’ADEME, et aux besoins en animation.
Ces jeux ont été utilisés en animation, et ce sont les enfants qui s’en sont le plus vite saisis.
Mais ce format peut se prêter a encore bien d’autres adaptations en variant les finalités et les sources d’information :
- Mesurer et identifier ce qui me prend le plus de temps dans un cadre professionnel ou personnel
- Mesurer et identifier mes postes de dépenses, en se basant sur vos propres dépenses, personnelles ou de structure
- Si vous pouvez le croiser avec un outil de suivi d’utilisation de vos apps, quel temps et usages sur votre smartphone ou en ligne
L’idée est toujours la même, se défaire d’idées préconçues que nous pouvons avoir sur un sujet et de se confronter en allant chercher des sources d’informations vérifiables et fiables.
Je mettrais prochainement ce jeu en ligne sous licence creative commons sur ce site (et possiblement sur les bases anct)
Et vous quelles versions de ce format imaginez vous ?
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