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Dématérialisation et perte de confiance

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Au-delà de problématiques déjà souvent évoquées, tel que le transfert de la charge de l’administration à l’usager, ou bien la difficulté croissante de savoir faire une démarche administrative sur un site Internet, surtout quand on ne maîtrise pas l’outil informatique… S’ajoute aujourd’hui une nouvelle difficulté dans la relation avec les citoyens, la confiance.

Cette confiance était déjà passablement abîmée du point de vue de la perception d’une bonne volonté des administrations à aider ses usagers. En effet, la complexité perçue mais aussi réelle de ces démarches entraîne une méfiance, pour ne pas dire une défiance envers ces outils.

Cette confiance, elle était aussi implicite dans le fait que nos administrations traitent nos données efficacement : je cite l’ANSSI :

La transformation numérique de la société amène à un développement massif des échanges par voie dématérialisée, mettant en exergue le besoin d’un cyberespace de confiance à même de garantir la sécurité de ces échanges, en assurant notamment la fiabilité des informations transmises, l’innocuité des services utilisés et plus largement le respect de la vie privée des citoyens.

https://cyber.gouv.fr/la-confiance-numerique

La médiation des maisons France service, des conseillers numériques, et des médiateurs sociaux n’a pas permis, malgré l’incroyable travail fourni de rassurer et convaincre.

Après le pseudo piratage de la Caf qui en serait peut être un, après la fuite de données Viamedis et Almerys, c’est aujourd’hui au tour de France emploi ex pôle emploi d’être victime d’une fuite de données personnelles.

En ce premier trimestre de 2024, ce ne sont pas les évènements inquiétants qui manquent.

Je l’expliquais l’hiver dernier à des collègues, selon moi les deux grandes questions de cette année seraient celle des intelligences artificielles mais surtout celle de la cybersécurité. Je ne m’attendais pas à ce que cela prenne cette ampleur si tôt. Il était évident que les jeux olympiques de 2024 et la situation géopolitique allaient être des appels d’air, mais force est de constater que ce ne sont pas uniquement ces thématiques qui pour l’instant font l’actualité du domaine.

 

Les fuites de données nouvelles sources de défiance

La question que je me pose et donc la suivante : ces fuites de données personnelles, doublées d’un emballement des médias sur ses sujets, quand ce n’est pas la communication maladroite des administrations ne va-t-elle pas encore un peu plus entamer la relation administration usagers ?

Concernant les fuites de données, elles ont commencé avec une erreur de la CAF de Gironde dont un prestataire privé a à mis en ligne mis en ligne les données de plus de 10 000 allocataires en janvier 2023.

J’ai déjà plusieurs fois évoqué le pseudo piratage d’Ameli qui lui n’en était pas un, j’ai évoqué le pseudo piratage de la CAF qui lui est en est peut-être un , dans les deux cas l’emballement médiatique n’a pas aidé à faire comprendre la réalité des faits. Aujourd’hui nous apprenons que c’est France travail, qui est à son tour victime d’une fuite de données. La question qui va désormais se poser supplémentairement aux administrés c’est la confiance qu’ils auront en ces sites internet pour protéger les données personnelles… Leurs données.

Certes ils n’auront pas le choix, puisque ces outils dématérialisés et resteront la principale interface pour bénéficier de leurs droits. Mais quelle confiance subsistera, quelles conséquences pour ceux dont les données auront été piratées et comment réagiront-ils à celle-ci.

L’impact psychologique d’un piratage pour n’importe quelle structure est réel. Quel sera l’impact psychologique du piratage et de la fuite des données pour les administrés mais aussi pour les administrations ?

 

Que faire maintenant que les données ont fuité

Qui est concerné ?

Cela concerne d’ors et déjà les personnes actuellement inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi mais aussi les personnes qui ont été inscrites ces 20 dernières années. Et cela pose déjà une première question… Pourquoi des données qui datent de 2004 étaient encore dans le système.

Conséquence, ce sont 43 millions d’usagers qui sont potentiellement concernés pour la fuite de France Travail… pour la CAF, leur communiqué de presse annonce quelques milliers de comptes sans beaucoup plus de transparence.

Concernant les données qui auraient été exfiltrées :

  • Noms,
  • prénoms,
  • numéros de sécurité sociale,
  • adresse email et postale,
  • numéro de téléphone
  • identifiants France Travail

Quelles recommandations pour les utilisateurs de la CAF ou de Pole emploi/France Emploi ?

Tout d’abord, comme je l’ai expliqué dans l’article concernant le piratage de la CAF, la CNIL oblige la structure victime de la fuite de données à en informer les personnes potentiellement concernées, il y aura donc des emails pour vous en informer… Et c’est là que je me dis qu’on va avoir une 2e vague de soucis.

Car avec les infos dont ils disposent potentiellement, les pirates peuvent lancer des campagnes de phishing vous redirigeant vers un faux site de la CAF pour récupérer encore plus d’informations, il va donc falloir être doublement précautionneux.
Donc si un mail vous recommande de cliquer sur un lien pour changer de mot de passe pour l’un de ces sites… préférez aller dans votre navigateur et changer ces informations sur le site directement !

  • Donc en premier : changez vos mots de passe.
  • Ensuite : surveillez vos emails, sms etc… pour toutes demandes qui vous paraîtraient réclamer des données personnelles.
  • Faites ces recommandations auprès des personnes que vous connaissez.
  • Si vous ne savez pas faire, contactez un médiateur, conseiller numérique, maison France Services.*

Vous pouvez aussi déposer plainte :

Et je vous recommande d’aller lire et de diffuser l’info de Cybermalveillance
https://www.cybermalveillance.gouv.fr/tous-nos-contenus/fiches-reflexes/piratage-de-compte

 

Des constats déjà faits d’une dématérialisation mal menée

Je l’ai déjà dit, cette dématérialisation forcée a fortement dégradée l’image de ces administrations, de moins en moins joignables. Et dont l’opacité dans le traitement des demandes notamment concernant la CAF et son algorithme est reconnue.

Concernant cet algorithme ce sont tout d’abord les membres de l’association « Changer de Cap » qui alertent en premier concernant des pratiques discriminatoires. C’est ensuite la Quadrature du Net qui après avoir consacré plus d’un an a récupérer d’anciennes versions de celui ci et de l’analyser rend ses conclusions le 27 novembre dans un article intitulé « Notation des allocataires : l’indécence des pratiques de la CAF désormais indéniable ».

Ce sera ensuite le journal Le Monde en collaboration avec Le site international Lighthouse Report qui va publier une enquête en quatre volets.

La problématique de la dématérialisation ne se limite pas à ces questions, il est apparu évident notamment à tous ceux qui ont accompagnés des publics sur ces questions que le manque d’équipement et de compétences numériques était un frein gigantesque surtout pour des procédures qui ne se font quasiment plus que par le biais de ces sites internet.

Un rapport du Sénat de septembre 2020 souligne que 14 millions de Français ne maîtrisent pas le numérique et que près d’un Français sur deux n’est pas à l’aise avec le numérique. Pour les rapporteurs, la priorité a longtemps été la couverture numérique du territoire, et non la maîtrise des usages par les personnes.
Plus récemment, le baromètre du numérique 2021 du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) montre qu’il existe des freins persistants à la pleine utilisation du numérique, malgré la démultiplication de ses usages durant la crise sanitaire. 

Si plus de neuf Français sur dix sont des internautes, 35% d’entre eux éprouvent au moins une forme de difficulté qui les empêchent d’utiliser pleinement les outils numériques et internet. Plus que l’équipement ou la connexion à internet, c’est la suffisante maîtrise des outils qui pose problème pour 18% des sondés. Il s’agit surtout de personnes âgées, non-diplômées, souffrant d’un handicap ou rencontrant des difficultés d’alphabétisation.

Pour les personnes n’utilisant pas internet, la complexité d’utilisation d’internet (22% contre 31% en 2018) semble constituer la principale barrière. Toujours d’après ce baromètre, plus de sept Français sur dix ont recouru à l’e-administration en 2020. Pendant les périodes de confinement, seule une courte majorité de la population a indiqué être toujours parvenu à réaliser seule ses démarches en ligne (55%). 30% des Français ont sollicité l’aide d’une personne, soit auprès de proches (22%), soit en téléphonant au service dédié pour être aidé à distance (8%). Ce sont les moins de 25 ans et les titulaires de bas revenus qui ont éprouvé le plus de difficultés dans leurs démarches.
En 2018, le Défenseur des droits, saisi par des milliers d’usagers confrontés à des difficultés pour obtenir en ligne un permis de conduire ou une carte grise, s’était emparé de la question de l’illectronisme. Il avait
demandé au Gouvernement « une alternative papier ou humaine à la dématérialisation » et recommandait aux pouvoirs publics de prévoir dans la loi « une clause de protection des usagers vulnérables ».

Source :
https://www.vie-publique.fr/eclairage/18930-dematerialisation-quelle-politique-pour-les-exclus-du-numerique

Je reprends les conclusions du Baromètre de la complexité administrative et de la confiance en l’administration par événements de vie publié en janvier 2023 :

  • Au global, moins d’un Français sur quatre considère que les démarches sont
    compliquées
  • Dans l’ensemble, l’impact positif de l’expérience avec les organismes publics sur
    l’image des services publics se détériore progressivement depuis 2012
  • Plus des trois-quarts des usagers jugent qu’il est facile de contacter l’administration

https://www.modernisation.gouv.fr/files/2023-05/2022 Barometre complexite et confiance.pdf

Cette question de la confiance, on la retrouve aussi dans l’étude et les propositions du Conseil d’Etat dans son rapport de 2023 :

Les propositions 9 à 12 traduisent l’état d’esprit dans lequel l’action publique doit être conduite pour atteindre les publics qu’elle vise, à savoir la confiance pour sortir de la « logique du mistigri » qui est trop souvent à l’œuvre entre les acteurs des politiques publiques au détriment du service de l’usager.

https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/l-usager-du-premier-au-dernier-kilometre-un-enjeu-d-efficacite-de-l-action-publique-et-une-exigence-democratique#anchor1

Bref, il va être important de mesurer l’impact de ces nouvelles fuites sur la perception et l’acceptabilité des ces procédures dématérialisées, et plus largement sur la confiance en ces institutions

 

Pour en savoir plus, quelques articles :

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/02/08/fuite-de-donnees-de-sante-du-tiers-payant-quelles-precautions-prendre_6215410_4408996.html

https://www.zdnet.fr/actualites/cyberattaques-les-consequences-ne-sont-pas-que-financieres-elles-peuvent-aussi-etre-psychologiques-39905859.htm

Et un post de Clément Domingo aka Saxx qui nous en dit un peu plus sur le piratage de France Travail :

https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7173912452290473986/

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