La semaine dernière et beaucoup plus cette semaine, les personnes que j’ai reçues en médiation ont commencé à évoquer les sujets des élections.
Il est très rare que ces sujet soient abordés par les personnes que j’accompagne si ce n’est une remarque de ci de là par rapport au gouvernement, à la municipalité, à la métropole. En général parce qu’il s’agit d’une décision qui les touche (retraites, mobilités…)
Mais cette semaine la politique s’est assez souvent invitée dans mes médiations, qu’il s’agisse de personnes qui sont d’un bord ou d’un autre, tout le spectre politique en fait. En tant que médiateur, la neutralité doit rester la seule façon dont je puisse répondre, quelles que soient mes préférences personnelles. J’ai quand même toujours à cœur de rappeler que dans les centres sociaux nous accueillons inconditionnellement, que nos valeurs sont la dignité humaine et le respect de l’autre.
J’écoutes donc des personnes qui sont d’un bord à l’autre, de personnes qui soutiennent le Rassemblement National, de personnes qui soutiennent le Nouveau Front Populaire. Et je parles avec eux. Pas toujours simple. Mais le fait d’écouter leur permet aussi d’avoir le sentiment qu’on les écoute, qu’on entend leurs peurs. Parce que ce que j’ai entendu quels que soient les bords politiques, c’était cela.
La peur d’un gouvernement qui soit à l’opposé de leurs valeurs, des décisions qu’il pourrait prendre.
La peur de ne pas être entendus, de ne pas être reconnus : “On nous enterre” m’a dit un vieux monsieur.
La peur des autres qui ne se limite pas aux questions habituellement invoquées de religion, d’origine, de classe sociale, de lieu de vie, de couleur de peau, de pouvoir d’achat, d’orientation politique ou sexuelle.
La peur que si “les autres” gagnent “ils” ne soient contre nous, qu’on ne reconnaisse pas notre existence.
Petit rappel de ce qu’est la médiation sociale :
La médiation sociale est définie comme un processus de création et de réparation du lien social et de règlement des conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, à travers l’organisation d’échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose.
Source : https://www.pimmsmediation.fr/connaitre-nos-actions/mediation-sociale/
La médiation c’est aussi écouter, sans juger, c’est essayer de rétablir un lien. Et combien toutes ces personnes ont elles besoin d’être écoutées, entendues, reconnues. Si personne n’écoute leurs peurs, elles restent avec et se rassurent en cherchant ceux qui ont peur comme elles. Que ces peurs aient du sens pour nous ou pas.
Et je ne peux que leur parler des valeurs que j’ai évoquées.
Et de combien celles ci ont du sens puisqu’ils sont là, puisqu’ils me parlent
Et rétablir le lien, rétablir la communication devient chaque jour plus nécessaire.
Cette année mon travail avec des seniors a été notamment de les rassurer sur les outils numériques, sur leur capacité à pouvoir les utiliser. Cette année mon travail a été de parler de confiance, en soi, en le fait qu’il soit possible de faire. Cette année mon travail de médiation a été de montrer qu’il était possible de reprendre un contrôle sur sa vie quand on est libéré du stress des administrations, de l’obligation de passer par des outils numériques, parce qu’on est accompagnés, écoutés.
Cette année j’ai travaillé avec des ados sur un jeu pour développer l’esprit critique et apprendre à lutter contre les fake news et les théories du complot. Je ne m’attendais pas à ce que l’esprit critique soit devenu encore plus nécessaire.
Cette semaine je dois défendre un appel à projet pour un jeu qui parle de nuance, un outil pour médiateurs numériques. Cet outil je l’ai pensé il y a plusieurs mois, je l’ai pensé parce que les avis polarisés, simplistes étaient déjà fortement présents, même dans la médiation numérique.
Je ne m’attendais pas à ce que ces derniers mois, ces derniers jours il prenne autant de pertinence en tant qu’idée.
Cette année j’ai découvert encore plus combien mon travail avait un sens et était utile.
Et je me rappelle qu’après que tous les maux se soient échappés de la boite de Pandore, restait l’espoir.
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